Les chemins des sondeurs sont-ils pavés de mauvaises intentions de vote ?

Satisfaction bien tardive (au bout de quelques 30 ans) : j’ai fait prévaloir, via la Commission des sondages, une remarque à propos des intentions de vote qui occupent sans cesse la scène politico-médiatique. Comme si d’ailleurs les Français, qui s’abstiennent parfois beaucoup lors des élections, étaient en permanence pris d’irrépressibles envies de passer dans l’isoloir.

Qu’est-ce qu’une intention de vote ? Un choix entre des candidats ou des listes qu’éventuellement, à condition d’être bien disposé à l’égard d’un scrutin proposé, on se promet de faire. Mais plus tard, quand le temps sera venu de se préoccuper d’une élection… quand seront vraiment connus les enjeux et surtout clairement arrêtés les compétiteurs en lisse.
Donc, cher sondeur, repassez me voir ou rappeler-moi 9, 6, 2 semaines, voire 1 ou 2 jours avant le dimanche électoral.

Alors, auparavant, que mesurent les instituts et surtout que publient les médias, si les intentions ne sont pas encore forgées ?
Eh bien, des intérêts divers pour telle ou telle personnalité dont on verrait bien qu’elle doive ou qu’elle puisse être candidate ! Oui, il s’agit surtout de préférences de candidatures, avec en outre un léger penchant en faveur de ceux qui échappent aux idées trop bien établies des partis politiques.
La personne interrogée, dont les préoccupations du moment ne la mettent pas encore dans la peau d’un électeur, peut se prêter à jouer avec les états-majors qui testent les meilleures opportunités… mais sans engagement.

Ainsi durant toute l’année 1994, alors qu’un observateur averti pouvait déceler l’offre politique de Jacques Chirac en voie d’être mieux formée que celle d’Edouard Balladur, les sondages indiquaient des intentions de vote inverses. Les réponses des sondés avaient principalement en tête l’actualité des efforts d’Edouard Balladur et peut-être le souvenir que celui-ci avait annoncé qu’il ne serait pas candidat à la présidentielle pour mieux faire son travail de Premier ministre.

Alors que les sondeurs jurent ne pas pratiquer le pronostic, leurs «instantanés photographiques d’une opinion très fluide» fournissent aux intérêts commerciaux des médias des effets d’annonces quasi quotidiens (qui s’apparentent aux commentaires d’une course hippique, selon Michel Rocard, alors ministre de l’Agriculture en charge du PMU).

La Commission des sondages différenciera probablement désormais ses exigences en fonction des périodes où l’intention de vote prend plus de réalité.