Assez de com’ et plus de communication, svp !

Outre la place insuffisante accordée à la justice française dans l’équilibre des pouvoirs, les commentaires suscités par l’affaire DSK confirment une conception tronquée de la communication. Limitée à l’actualité des procès en connivence ou en voyeurisme des médias, prompte à faire de faits divers – certes parfois conséquents – des sujets de société, l’information s’accommode, à un an de l’élection présidentielle, de la grande pauvreté du débat d’idées.

La communication politique n’est plus du tout jaugée à l’aune du savoir-conduire des politiques publiques face aux défis économiques, sociaux, écologiques, éthiques ou en fonction des aptitudes à accompagner l’action des dirigeants. On se refuse à reconnaître les mérites d’une communication qui mettrait à disposition les informations utiles, expliquerait les choix et encouragerait la discussion. N’est-ce pas hors de portée, non seulement de la classe politique, mais aussi hors de l’intérêt des médias ?

Il est plus facile de s’en tenir à des « petites phrases » et de laisser effectivement la communication se réduire à de la com’ parce qu’elle se dissocie des actes et s’émancipe sur les registres de la pub’. Elle s’exacerbe dans la conquête du pouvoir, mais confirme son inaptitude à accompagner l’exercice du pouvoir autrement que par des effets d’annonce ou par l’affichage de mesures, voire de lois, de plus en plus éloignées des dures réalités de l’action publique, comme des attentes déçues de la société.

A la veille du coup d’arrêt brutal porté aux incertitudes strauskhaniennes, la page « trois » du Monde daté du 14 mai, signée Raphaëlle Bacqué, apportait la démonstration prémonitoire que les coulisses communicantes ne font qu’amuser la galerie, en l’absence des acteurs.

A l’inverse, le film La conquête montre que, bien présentes, les forces de conviction et de séduction doivent tout à l’intuition et au sens de l’action de Nicolas Sarkozy. Les études de marketing confortent son entourage. Les mises en scène obéissent à sa spectaculaire ambition. Comme le travail considérable préparé sur le fond se traduit mal en images, Patrick Rotman suggère que son apport est intimement intégré dans un engagement, prêt à être mis en musique avec la mélodie qui flatte l’oreille des gens.

Bien des journalistes, comme des historiens qui laissent l’immédiateté les bousculer, sont séduits par les habiletés professionnelles des publicitaires qui conseillent la politique, des éminences grises ou spin doctors capables, par un coup spectaculaire, de bousculer les audimats, voire les sondages… au moins durant deux jours.

François Bazin a été fasciné par Jacques Pilhan, qu’il a décrit opérant comme un sorcier à l’Elysée. Les critiques récents les plus pertinents à dénoncer les déviances de l’exercice du pouvoir, Franz-Olivier Gisbert, Nicolas Domenach et Maurice Szafran, même Yves Calvi et ses experts invités, restent sensibles aux miroitements de la démocratie d’opinion. Un sondage, une déclaration de-ci de-là, dispensent de dénoncer des errements d’image ou les faux-sens d’orientations provoqués par des néo-marketings ou portés par les rumeurs numériques.

Gageons que, dans les prochaines semaines, l’analyse comparée des solutions portées en primo-compétition par les candidats socialistes potentiels s’effacera derrière la peopolisation des postures médiatiques ou les récits des moindres faits et gestes liés à grossesse de Carla Bruni-Sarkozy.

La communication a été amenée à se bâtir un monde à part, qui fait bon ménage avec les exigences simplificatrices de la médiatisation. Désormais capable de suppléer à la faiblesse des messages, la com’ s’arroge de se substituer à la politique.

Loin des actes, qui parlent fort, les politiques savent de moins en moins communiquer pour convaincre de leurs options et entrainer les opinions, pour gouverner en associant les citoyens. Les journalistes s’en tirent à bon compte par la pirouette qui à la fois exonère de la moindre critique leur information, dite pure dans la quête des vérités, puis étend les discrédits du mensonge ou de la manipulation à toute autre communication politique.

La formule de Michel Rocard « dire la complexité des choses et faire appel à la lucidité des gens » fixe des objectifs simples à la communication politique : la transparence des procédures et la mise à dispositions données publiques, l’explication des choix, la pédagogie des évolutions retenues et le dialogue qui entretient la confiance du lien social. Les consultations et la concertation offrent de bénéficier des expertises d’usage, indispensables aux compromis sociaux ou pour susciter l’appropriation collective des décisions.

Alors, les médias peuvent-ils s’intéresser à autre chose qu’à la com’ pour élever le niveau du débat public ? Par avance, merci.
Je persiste et signe : encourager de communiquer autrement est urgent pour régénérer la démocratie.