La communication d’Emmanuel Macron et le redoutable défi du bottom up

Même s’il affichait peu la posture jupitérienne, François Hollande assumait, comme tous les Présidents de la Vème République, qu’au moins apparemment l’essentiel des décisions soit arbitré à l’Élysée. Après une valse-hésitation d’un trimestre, il s’était coulé dans le moule de la monarchie républicaine. Comme pour tous ses prédécesseurs – la légitimité de Gaulle en faisant un cas à part, le respect, l’usage des institutions et la personnalisation du pouvoir ont guidé la communication présidentielle.

En serait-il autrement aujourd’hui ? Oui et non.

Oui, car Emmanuel Macron ne fait pas l’erreur de dissocier communication et action. Il écarte les exercices de com’ autonomes, propices aux formulations simplistes. Également les évènements fabriqués aux seules fins d’alimenter la médiatisation. Il préfère une habile anticipation attentive aux actes à mettre en valeur. Il pratique l’explication approfondie. Ne fait pas de promesses sans dire à la fois une détermination, mais aussi des incertitudes. Le Président a fait le choix d’une communication intimement intégrée à son action. Libre aux médias d’accepter d’être ainsi portés à parler du fond plus que de la forme !

Le chamboulement provoqué dans le paysage politique a conféré – au moins un temps – à Emmanuel Macron une crédibilité personnelle et un feu vert d’efficacité pour avancer et réformer. Certes, la parole publique est plus que jamais transcendante et descendante. Parfois jugée condescendante, surtout par ceux qui dénient le recours – bien utile – au registre pédagogique de la vision systémique qu’il faut avoir aujourd’hui de la complexité.

Non, car communiquer avec la société, chercher sa compréhension, ne peut a fortiori se satisfaire longtemps de messages octroyés dans une relation univoque top down. Gouverner c’est prévenir, à la fois anticiper et faire savoir. Comment échanger, partager et discuter l’information ? Comment ne plus traiter les gens comme des spectateurs ou comme des touristes plus ou moins égarés dans un monde qui change ? La démocratie souffre de considérer la demande des électeurs comme celle de consommateurs, alors que ce pseudo marketing repose sur un échantillon de moins en moins représentatif.

Ne faut-il pas écouter les signaux – pour l’instant – faibles du flux ascendant de l’information, de ce bottom up de la communication politique ?

C’est un défi redoutable pour un Président de la Vème République, qui au mieux peut faire état d’une écoute personnelle, sans s’aventurer à entretenir lui-même un quelconque débat avec la population. François Hollande a payé cher de céder, à deux ou trois reprises, à cette tentation du dialogue direct…

Si Emmanuel Macron a intelligemment organisé, avec le mouvement En Marche, la conquête du pouvoir, il ne s’est pas préoccupé des évolutions nécessaires d’une communication politique attachée à l’exercice du pouvoir et autre que la com’ d’exégèse et de promotion. L’esquisse d’un nouveau parti n’est pas une réponse suffisante pour mobiliser la société, ni pour renouveler un mouvement politique. Ne devait-on pas sans cesse dialoguer et innover avec la population, avec ses représentants élus et avec les corps intermédiaires pour mieux éclairer les exécutifs ?

A trop tarder sur ce registre du bottom up, les militants d’En Marche et les soutiens sympathisants du pouvoir courent le risque de voir ce registre confisqué par les protestations, la contestation et les manifestations.

La démocratie souffre de ne pas savoir comment associer les citoyens à l’élaboration de l’offre politique.

Voir le « Cahier : pouruneautrecommunicationpolitique.com »