Entre consommation et information, la société de communication ?

Le 21 mai, après son Assemblée générale et un colloque autour d’Yves Cannac et Jean-Paul Delevoye, Communication publique, par la bouche de son nouveau président, Bernard Emsellem, m’a rendu un hommage, solennel et amical, auquel j’ai été très sensible, pour mes rôles de fondateur, d’animateur de l’association, de défense et d’illustration de la communication publique.

Mes remerciements comportaient quelques propos pour revendiquer, une fois de plus, que la parole publique donne des gages d’authenticité en associant mieux les citoyens à la conduite de l’action publique,

En effet, la société de communication a grand mal à émerger – elle doit jouer des coudes – entre la société de consommation et la société de l’information.

La société de consommation a eu ses 30 glorieuses, artificiellement prolongées dans le dernier quart du XXème siècle :

  • avec ses crédos de progrès et de croissance,
  • avec des apports et des instruments de communication éprouvés : publicité, marketing, politique de marque, …
  • avec des influences et une prétention hégémonique de la communication des entreprises sur les communications des institutions publiques, de la politique, des médias, des associations et initiatives de la société civile.

On a atteint un haut niveau d’effets pervers du paradigme de la concurrence régnant sur les marchés de consommation. Cette quasi-idéologie conduit à :

  • négliger l’investissement, le long terme et la durée,
  • privilégier la vitrine plutôt que le laboratoire,
  • aggraver la hiérarchie entre marketing et R&D et valoriser de manière inconsidérée la chaîne « chercheur – ingénieur – producteur – financeur – vendeur – spéculateur »,
  • subir les effets des dérives financières et spéculatives des marchés de biens et services,
  • à mal entendre la prise de conscience écologique…

La société de l’information, née sur le territoire du journalisme, s’est largement imposée en 20 ou 30 ans par la télé informatique, le numérique et les usages du web. Elle peut se prévaloir :

  • d’un remarquable accès à l’information et au savoir, mais sans grande garantie sur les contenus,
  • de promesses d’interactivité, assez vite occultées par les méthodes promotionnelles de séduction du client, parfois sous le masque du gratuit,
  • de facilités à proposer des images spectaculaires ou des instantanés d’événement, apportant ainsi un second souffle à la société de consommation,
  • de bouleverser le monde des médias par une concurrence sauvage sur le terrain de l’immédiateté qui sacrifie les valeurs ajoutées des professionnels.

Faisant illusion, elle rend difficile l’avènement d’une vraie communication.

La société de communication, doit avant tout se défier de l’instantanéité pour s’établir, car elle doit faire prévaloir :

  • le partage de l’information, c’est-à-dire la mise en commun du savoir,
  • l’échange, dans le dialogue, la discussion, la consultation et la concertation,
  • le débat public comme aboutissement de l’information et de la communication, car c’est le débat contradictoire qui reste la clé pour approcher les vérités humaines, le compromis social et pour trouver un langage commun rationnel,
  • la valeur du temps pour reconnaître l’autre, prendre en considération le récepteur, respecter le citoyen, découvrir l’étrangeté, créer l’empathie et faire jouer la solidarité,
  • le temps qui permet de recouper l’information et de la situer dans la mémoire collective.

Pour ajouter à une éthique de l’individu, libre de son choix, une éthique de la vision collective de la société, la communication – une vraie communication – doit satisfaire aux critères du temps, de l’écoute, de la précaution, de la pédagogie, de la discussion.

Mieux associer les citoyens à l’élaboration des décisions est probablement, face aux terrorismes, nihilismes, égoïsmes, pessimismes, la voie – peut-être la seule – de secours de la démocratie.