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Une remarquable démarche de communication
L’association MichelRocard.org, la Fondation Jean-Jaurès et le Comité pour l’Histoire de La Poste viennent, par un colloque, de commémorer les 30 ans de la réforme emblématique qui a permis de passer ‘’de l’administration des PTT aux entreprises La Poste et France Télécom’’.
Les enquêtes publiques, à la mode fin des années 80, décevaient par l’absence de réelle prise en considération des observations recueillies.
La démarche suivie pour préparer le projet de la loi dite Rocard/Quilès a été une belle réussite de participation à un processus de décision complexe et délicat, en l’occurrence à la conduite d’une réforme importante du service public.
La communication, loin d’être univoque, s’est développée dans les deux sens entre décideurs, acteurs concernés, notamment les agents des PTT, mais aussi le public des utilisateurs des services postaux, des services et équipements des télécommunications.
La ‘’mission’’ d’Hubert Prévost, mise en place par le gouvernement pour expliciter ses objectifs, dialoguer et aider à la négociation, a suscité d’une manière remarquable, mieux qu’une concertation, une communication clairement participative, fort bien intégrée aux travaux de préparation de la réforme.
Les messages n’émanaient plus seulement de la ‘’mission’’ ou du gouvernement. Les initiatives d’écriture et de diffusion se multipliaient. Les syndicats en particulier se sont approprié des supports. Ils ont contribué à étendre le débat à la base, dans les territoires.
Une démonstration de plus que promotion ou injonction ne sont, surtout en Vème République, qu’information octroyée, top down, et que notre démocratie a bien besoin de communiquer avec les citoyens, bottom up !
Signes de vie…
Devant la pandémie du Covid-19 l’Humeur blogueuse du site <pierrezemor.fr> a été plutôt silencieuse depuis avril 2020, après des remarques sur la convention citoyenne pour le climat. Incidents techniques et quelques sérieuses inquiétudes sanitaires ont renvoyé la réflexion sur la démocratie et la participation des citoyens à 4 petits billets en décembre 2020. Puis de nouveau, l’attention s’est vue mobilisée par la menace permanente et invisible du coronavirus. La production d’idées et la discussion se sont trouvées confinées.
Il y a eu toutefois dans cette triste période quelques textes mis en ligne dans les rubriques ‘’Articles’’ ou ‘’Ouvrages’’ de <pierrezemor.fr> :
- ‘’Une maturité, des espoirs et des questions’’ – Un livret-témoignage de Pierre Zémor en hommage aux 30 ans de Communication publique sur « La communication institutionnelle publique au cours de la Vème République » (novembre 2019).
- Et après ? La participation des citoyens ? Article de Pierre Zémor, écrit le 7 avril 2020 pour les membres (en confinement…) de l’Association Communication publique et rendu public ultérieurement.
- Questionnement amical en guise de POSTFACE POUR LES ARCHIVES de Pierre Zémor sur Michel Rocard et sur la communication (août 2020).
- La communication publique, en panne ? Réflexions marquées par les crises nées de la pandémie du Covid-19 (novembre 2020).
- Mon itinéraire dans la saga rocardienne, texte de Pierre Zémor, dont la Lettre Convictions (n° 24, novembre 2020) a publié des extraits.
- ADELS et Michel Rocard, un demi-siècle de batailles pour libérer les territoires de la centralité.
Intervention de Pierre Zémor au Visio-colloque (MichelRocard.org et Fondation Jean Jaurès) le 12 février 2021, sur ’la dimension territoriale de l’action publique’.
Une forme de résistance ! Ou bien l’acceptation d’être en sursis ? Et attendre d’avoir un peu de recul pour collectivement réfléchir ? Donc, pas de promesses. Laissons venir des besoins de mutation de la pensée…
Par exemple – pris au hasard – envisagera-t-on des mutations de la communication en conférant à peu près autant de pouvoir aux récepteurs qu’aux émetteurs, en accordant à peu près autant de place aux messages ascendants des citoyens, qu’aux messages descendants des sommets des institutions ? Une autre vision à la fois de la société et de la communication, un autre vivre ensemble !
Pour cela, pour bien d’autres choses : à suivre…
Le débat public peut revigorer la démocratie
En évitant la confusion des genres (concertation et pas promotion), on doit pouvoir ouvrir, à propos d’un projet important, d’une mesure nouvelle, d’une réforme, des campagnes explicatives sur les impacts et sur la mise en œuvre politique, sociale, environnementale et budgétaire… Le débat public peut revigorer la démocratie. La communication entre pouvoirs et société doit se faire dans les deux sens. Il est urgent d’infléchir les comportements et l’usage des institutions en prenant en considération les citoyens et en les associant à l’élaboration de l’offre politique. Les « grands débats » vont-ils contribuer à greffer sur le fonctionnement de la démocratie représentative les démarches et instruments susceptibles, non de la remplacer, mais de la rendre dorénavant participative ?
Que dire du référendum ?
Que pense-t-on au Royaume Uni du choix du Brexit, sans grandes explications, ni anticipations sur les conséquences ? En dépit d’un effectif de votants qui peut être important, le référendum s’avère être un leurre de participation. Il ne peut se départir de son caractère plébiscitaire. Sur le projet d’une décision importante, il doit être précédé de phases d’information et de discussion, en particulier sous la forme de conférence de citoyens, afin de vérifier l’opportunité de la délibération et d’ajuster la formulation de la question, voire d’un questionnement multiple, peu dans la culture française de la concertation. Surtout, il aurait été mal venu de mener la démarche en sollicitant en même temps une autre mobilisation des citoyens, par exemple, celle du choix des parlementaires européens…
…doit être participative
Des démarches et des instruments de consultation ou de concertation font leur preuve et pourraient s’introduire dans le fonctionnement des institutions : enquête publique sur internet, panel référent de citoyens munis d’une information complète, entretien de vidéo participative, sondage large ou auprès des publics concernés, centre d’information, groupe d’expertise, réunion thématique de spécialistes questionnés par des néophytes, forum de dialogue avec les décideurs, rencontre de délégations, expérimentation de variantes, colloque d’initiative associative…
La CNDP, Commission Nationale du Débat Public, est un bon facilitateur indépendant qui éclaire l’opportunité et les conditions de réalisation d’un projet précis envisagé par un pouvoir exécutif. Afin de respecter la séparation des pouvoirs, une instance semblable devrait être placée auprès du Parlement pour organiser un débat sur une politique publique, un changement sociétal, une aliénation de patrimoine. Avec l’accord du gouvernement – Vème République oblige – les propositions de loi seraient plus fréquentes. Les débats de société encombreraient moins le travail de l’exécutif.
Pour être représentative la démocratie…
Essoufflée face à la montée des régimes autoritaires simplistes et des populismes, la démocratie est en crise, atteinte dans son principe essentiel, la représentation. Notre société, en partie inactive, inégalitaire, assez peu solidaire, est fragmentée, individualisée, réseaux-socialisée… Les relations se numérisent et les médiations des corps intermédiaires se diluent dans une illusion webéenne de démocratie directe. Les processus de décision de l’exercice du pouvoir balbutient. Et la représentation n’est que médiatique, que le théâtre se joue dans les hémicycles du Parlement ou dans des cortèges de manifestants.
Au procès fait à la communication d’Emmanuel Macron de n’être que descendante, le « grand débat » a été un correctif d’écoute, d’analyse des attentes et d’esquisse de mesures ou de réformes à intervenir.
Une telle consultation-discussion ne suffit pas comme réponse aux attentes de rendre en permanence la démocratie représentative plus participative. Les gens veulent être pris en considération.
Retrouver l’humeur blogueuse
Quand sortira-t-on de la crainte permanente que nous inspire le Coronavirus, de la peur de croiser l’invisible ? Comment sortira-t-on des éboulements sanitaires, économiques, sociaux, culturels et politiques de ce tunnel qu’a creusé la pandémie Covid-19 ?
Combien de temps faudra-t-il pour encore soigner, réparer, relancer, repenser nos comportements, revoir nos objectifs ? Quelle part des efforts sera consacrée à se précipiter vers les erreurs et les inconforts du passé et quelle part à inventer une société différente moins vulnérable et plus humaine ?
Les idées ne manqueront pas, mais les changements se feront désirer. Espérons que seront à l’ordre du jour la prise en considération des autres, la réduction de la violence, une communication aussi bottom up que top down, une parole donnée aux actes, aux acteurs et aux institutions responsables : que la démocratie se revivifie par la participation.
Voici, sur des sujets évoqués ces derniers mois, quatre « billets » de rattrapage…
Et maintenant ?
Dans la période, dite inédite, que nous vivons, faute de perspective, on peut avoir des consolations de rétrospective.
La rubrique « Humeur blogueuse » est alimentée en « Billets », 7 à 10 par an, depuis 10 ans : des hommages, des vœux, quelques copies d’articles publiés, surtout
- des alertes sur les déviances de la com’ et les errements de la politique,
- des louanges pour la communication institutionnelle publique, exemplaire,
- les apports de la concertation, du débat public et la participation citoyenne.
Il s’est donc surtout agi de communication au sens large, de la communication ingrédient évident de la civilisation.
Jetez un œil sur ces « Billets » : https://www.pierrezemor.fr/humeur-blogueuse/
Et maintenant ?
Comment aborder une ère nouvelle ? Quelles modes d’échange et de partage des informations pour sortir des crises, locales, régionales, continentales et planétaires ? Quelles mutations de communication auront induites les crises sanitaires, économiques, sociales, psychologiques ? Vers l’authenticité ? Ou vers la dénaturation du sens ? Un mélange des deux ?
Après le Coronavirus, où seront les pouvoirs ? Seront-ils mieux partagés ?
Le credo de la rubrique « Humeur blogueuse » et l’espoir de Pierre Zémor, figurent dans l’article « Et après ? La participation des citoyens ? »
La Convention citoyenne pour le climat à l’épreuve des opinions
Une telle Convention est une avancée prometteuse pour l’élaboration d’une politique publique. La démarche adoptée, d’implication et de réflexion de 160 citoyens tirés au sort, doit permettre d’identifier et de présenter de manière compréhensible des mesures essentielles pour relever le défi climatique.
Donc pas en vase clos ! Car, mis sur la place publique, le processus délibératif s’emballe. Chacun vient y chercher la trace de ses préoccupations. Les journalistes font leur métier et n’analyse que le dessous des cartes.
L’exécutif s’interroge sur le registre à adopter : prendre en considération des propositions, les reformuler, les hiérarchiser, les ignorer, les examiner à l’aune partisane d’échéances électorales ou d’ambitions présidentielles ? Quelle est place accordée au Parlement ? Les pratiques de démocratie participative, même admis le caractère représentatif de l’échantillon, ne peuvent prétendre associer les citoyens tout en négligeant leur représentation nationale.
La Convention citoyenne est à la croisée des légitimités. Elle n’ouvre une faible partie du chemin vers la société. Grave négligence méthodologique que de n’avoir pas inclus dans son cahier des charges le choix des modes de communication devant accompagner ses travaux. Les outils ne manquent pas : enquête d’impact, analyses d’opinion, écoute des acteurs les plus concernés, des corps constitués et des corps intermédiaires, dialogues indispensables pour identifier les consensus et les points d’achoppement, pour préconiser d’éventuelles expérimentations …
Les experts en débat public, comme trop souvent les journalistes, se méfient du mot communication, certes s’il recouvre la com’ réductrice et manipulatrice. Raison de plus pour prendre les devants et faire connaitre en permanence l’état de la réflexion. Cela est apparu lors de la première concertation sur les OGM : rendu public, le travail achevé du panel a provoqué de multiples réactions et la remise en question des propositions.
Or il est en tout état de cause nécessaire d’obtenir l’adhésion sociale, surtout s’agissant d’une question comme celle du climat, où les évolutions souhaitables des comportements émergeront des travaux de la Convention.
Alors, Chère Convention citoyenne, il est temps d’appliquer à soi-même ce principe essentiel : tout projet d’une décision, que l’on veut de qualité et pérenne, doit être intimement accompagné des modalités de communication (information, discussion, concertation, négociation) attachées à sa conception, comme à sa mise en œuvre. Difficile ? Oui, mais pour se greffer sur la démocratie représentative, la démocratie participative doit être transparente, manifeste, explicite et mieux communicante.
La communication institutionnelle publique au cours de la Vème République
Communication publique fête ses 30 ans. Trente années d’efforts, méritoires et assez souvent couronnés de succès, pour que les institutions publiques s’acquittent de leur devoir d’informer la société et fassent appel à des modes plus relationnels de communication : le partage et l’échange, plutôt que la promotion ou l’injonction.
Pierre Zémor, fondateur et 20 ans président, dit, dans un livret-témoignage, le caractère symbolique de l’année 1989, marquée par le bicentenaire de la Révolution et le rappel de la place active que le citoyen doit tenir dans une démocratie. La chute du mur de Berlin, sur fond de guerre froide, ouvre une période d’un simplisme fatal pour les partis politiques, qui vont se satisfaire des pratiques concurrentielles électorales d’un néo-marketing.
La communication politique s’avère incapable d’associer les gens à l’exercice du pouvoir et à l’élaboration de l’offre politique.
En revanche la communication institutionnelle, diversifie et professionnalise ses registres : accueillir, renseigner, dire l’État de droit, informer, expliquer, dialoguer, consulter, rendre compte, promouvoir les services au public, mettre en valeur les institutions, pratiquer la concertation, contribuer à l’authenticité non partisane du débat public.
Ce regard, porté 30 ans avant 1989 et 30 ans après, fait ressortir l’exemplarité d’une bonne part de la communication publique, en des temps où sévissent la com’ caricaturale, les usages relationicides d’internet et le langage de la violence.
Alors, du pain sur la planche ! Bon anniversaire !